Les « tiers-lieux » deviennent de plus en plus importants aujourd’hui en tant que lieux de travail alternatifs. Selon vous, qu’est-ce qui rend le travail dans les espaces publics si attrayant ?
Tout au long de l’histoire, les « troisièmes lieux », à savoir les cafés, ont été des lieux de travail attrayants, par exemple pour les écrivains, les journalistes et les philosophes des cafés.
Aujourd’hui, grâce à la flexibilité accrue de la main-d’œuvre et aux améliorations de la technologie à distance, de plus en plus de personnes peuvent choisir leur lieu de travail. Il est donc intéressant de changer et de chercher un « nouveau » lieu de travail temporaire.
Yumeng Zhu, Jeff Goldberg/Esto
En tant qu’atelier d’architecture, vous avez déjà réalisé de nombreux « troisièmes lieux » tels que des bibliothèques. Dans le passé, les bibliothèques étaient principalement utilisées pour emprunter des livres, apprendre et lire. Aujourd’hui, elles sont aussi des lieux de travail, de mise en réseau et d’interaction sociale. Comment percevez-vous leur évolution ?
Au-delà de la conservation du savoir, les bibliothèques ont toujours été des lieux d’échange de connaissances, de dialogue et de discussion, c’est-à-dire des lieux de rencontre. Elles doivent donc être attrayantes pour les visiteurs et offrir plus que la possibilité d'emprunter un livre ou de lire un journal. Nous créons toujours une valeur ajoutée avec nos bâtiments – des lieux où les gens se sentent à l’aise, qu’ils peuvent conquérir et « s’approprier ». Nous voulons renforcer les lieux de rencontre et d’échange dans les villes.
Vous avez notamment conçu la plus grande bibliothèque du monde, la bibliothèque municipale de Pékin. Comment planifiez-vous un projet aussi extraordinaire, qui doit répondre à des besoins aussi variés ?
En principe, nous abordons tous les projets, qu'ils soient apparemment simples ou très complexes, de la même manière : par un examen approfondi de l’emplacement et du contexte. Dans le cadre d’un processus interdisciplinaire, nous créons un concept viable et solide qui servira de base à la conception. Il s’agit de comprendre le cœur de la tâche et sa complexité, puis de « mouler » les aspects de cet examen contextuel approfondi dans un concept. Pour la bibliothèque municipale de Pékin, nous avons développé un paysage de lecture basé sur l’environnement.
La bibliothèque municipale de Pékin est un centre moderne d’apprentissage, d’échange de connaissances, d’interaction sociale et d’engagement social. Comment avez-vous répondu à ces différentes exigences sur le plan architectural ?
Il était important pour nous d'offrir aux utilisateurs un espace généreux. Le paysage intérieur aux formes douces, ombragé par un « bosquet de ginkgos », forme un espace de lecture généreux. Nous avons utilisé la modélisation du sol pour créer différents sous-espaces tels que des retraites ou des îlots de conversation, tout en intégrant toutes les autres exigences, telles que des salles de conférence ou des zones de lecture plus calmes. La façade en verre de 20 m de haut offre une transparence et crée une connexion avec son environnement.
Vous avez également planifié la bibliothèque de quartier de Far Rockaway dans le Queens (NYC). Comment avez-vous réussi à convaincre les habitants d'utiliser la bibliothèque comme lieu de travail et de réseautage ?
La bibliothèque est un lieu important pour l’arrondissement de Queens depuis 1968 – que ce soit en tant que centre de quartier pour la vie quotidienne ou en tant que lieu de secours après l’ouragan Sandy en 2012. Le nouveau bâtiment de la bibliothèque, avec sa façade remarquable, a pour but de renforcer son rôle de centre communautaire et de lieu d’identification. Outre les salles qui servent de lieux de réunion, la bibliothèque, qui a maintenant doublé de taille, offre également d'autres installations qui soutiennent les résidents dans leur vie quotidienne.
Comparée à la bibliothèque de Far Rockaway, la bibliothèque James B. Hunt Jr. est un espace très axé sur la technologie. A-t-il été difficile de planifier des espaces technologiquement avancés pour l’apprentissage collaboratif ?
Comme je l’ai dit, le contexte et les futurs utilisateurs sont extrêmement importants pour nous dans chaque projet. On pourrait donc dire que le défi que représente la planification d’espaces d’apprentissage technologiquement avancés est tout aussi grand que la création d’espaces attrayants en tant que point de rencontre dans un quartier diversifié. Dans tous les cas, un concept fort pour l’ensemble du bâtiment est crucial.
Comment avez-vous fait en sorte que les gens apprécient de venir à la bibliothèque James B. Hunt Jr. pour apprendre, travailler et travailler en réseau malgré l'environnement technologique ?
En créant également des lieux de bien-être spacieux.
Qui travaille ici ?
Kjetil Trædal Thorsen est cofondateur de Snøhetta, un studio d'architecture et de design transdisciplinaire qui compte neuf studios dans le monde. Il a contribué à façonner la philosophie et la conception de l'architecture du studio et a joué un rôle de premier plan dans la conception de projets culturels majeurs tels que la nouvelle Bibliotheca Alexandrina en Égypte et l’Opéra national norvégien. Pour son travail, Kjetil a reçu, entre autres, le prix Mies van der Rohe, le prix de l’Union européenne pour l’architecture contemporaine, le prix Aga Khan pour l’architecture et le Global Award for Sustainable Architecture.
L'évolution des bibliothèques reflète les besoins changeants de notre société. Elles ne sont plus seulement des lieux de stockage du savoir, mais des centres dynamiques qui combinent harmonieusement l’apprentissage, le travail et l’interaction sociale. Des projets tels que la bibliothèque municipale de Pékin ou la bibliothèque de Far Rockaway à New York démontrent de manière impressionnante comment une architecture bien pensée peut contribuer à favoriser les rencontres et à renforcer la communauté.
L’interview de Kjetil Trædal Thorsen dans le Sedus LOOKBOOK montre comment des concepts spatiaux innovants concrétisent la vision des bibliothèques modernes. Ce sont des lieux où les gens trouvent l’inspiration, se réunissent et échangent des idées – preuve que le « troisième lieu » joue un rôle crucial dans notre environnement de travail et de vie flexible.
À une époque où la technologie et la dynamique sociale évoluent rapidement, une chose reste claire : les bibliothèques sont et resteront des « cathédrales de l'esprit », nous rappelant l’importance de la communauté, de la connaissance et du développement créatif pour une société tournée vers l’avenir.
Cet article est basé sur un entretien que Bernadette Trepte a mené avec le studio norvégien d’architecture et de design transdisciplinaire Snøhetta pour le LOOKBOOK de Sedus.
